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Le médaillon

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Alice avait tout juste sept ans, lorsque sa mère lui offrit ce médaillon.

Aujourd’hui, elle en avait vingt-sept et possédait toujours ce précieux bijou qu’elle gardait en permanence autour du cou.

Sa mère étant décédée il y a quelques années de cela, cet objet restait pour elle, le symbole du dernier lien qui les unissait.

Ce n’était pas vraiment un bijou d’une grande valeur. Disons qu’elle n’en aurait pas tiré grand-chose si elle avait décidé de le revendre. C’était une petite médaille en argent classique avec un petit cœur gravé dessus.

Mais il avait surtout, pour la jeune fille, une grande valeur sentimentale et Alice ne pouvait se résoudre à s’en séparer.

C’est pourquoi, le jour où elle se réveilla en s’apercevant que son bijou avait disparu, ce fut pour elle quelque chose d’impossible et de très grave qui la perturba plus que tout.

Elle posa alors, même une journée de congé à son travail, afin de consacrer son temps à sa recherche.

À la fin de la journée, son appartement était un vrai chantier ! Tout était sens dessus dessous.

Et tout ce qu’elle y avait gagné, c’était des heures de rangement en perspective…

Cependant, malgré tout ce bazar, elle ne trouva pas le moindre médaillon perdu.

Dépitée et désespérée, à la fin de la journée, elle se coucha avec l’impression d’être à nu et qu’il lui manquait vraiment quelque chose.

De plus, malheureusement, elle ignorait totalement comment elle avait pu perdre son bijou, puisqu’elle ne le quittait jamais.

Elle ne pouvait donc s’empêcher de se poser des questions et de trouver cela étrange.

Sa nuit fut des plus agitée ! Elle fit plein de rêves dans lesquels elle revoyait sa mère lui offrir ce médaillon.

Ce jour-là, sans raison apparente, après être venue la chercher à l’école, sa mère l’avait emmenée prendre son goûter au parc. Elle avait alors sorti de son sac à main, un petit écrin de velours bleu, qu’elle avait demandé à Alice d’ouvrir.

La fillette s’était exécutée et s’était tout de suite extasiée de joie devant la découverte du bijou.

Sa mère le lui avait ensuite attaché autour du cou et, depuis ce jour, il ne l’avait que très rarement quittée. Jusqu’à cette étrange disparition.

À présent, Alice sentait un profond manque en elle. Cet objet faisait tellement partie intégrante d’elle !

Les jours qui suivirent, elle posa à nouveau des congés. Plus elle passait du temps sans son médaillon, plus elle avait l’impression de se sentir mal et faible. Comme totalement vide de toute son énergie !

Inquiet pour elle, après quatre jours d’absence et sans vraiment donner de nouvelles à quiconque, Fred, son petit ami et collègue décida de lui rendre visite.

Il sonna plusieurs fois à la porte mais personne ne donna suite.

Finalement, il comprit que la porte était ouverte et il entra doucement.

C’est avec stupeur qu’il découvrit le désordre à l’intérieur de l’appartement d’Alice.

Cela ne lui ressemblait pas ! Elle qui était d’habitude, toujours si ordonnée.

Il trouva la jeune femme endormie sur son lit.

Il décida de la laisser dormir et d’en profiter pour faire un peu de ménage.

Lorsqu’Alice se réveilla enfin et qu’elle vit que Fred était là, elle se jeta dans ses bras et se mit à lui raconter presqu’en pleurant, la perte de son médaillon et comment elle se sentait depuis.

L’homme la regarda l’air amusé, et avec un petit sourire en coin, il sortit de la poche de son pantalon, le fameux bijou. Avant de le remettre à Alice, il dit : « Je sais combien ce collier a de l’importance pour toi. J’ai réussi à te le piquer la dernière fois que tu as dormi chez moi. Je suis désolé ».

Puis il lui rendit le bijou. Elle l’examina et remarqua qu’un deuxième cœur était à présent gravé sur la médaille. Elle regarda son petit ami, sans vraiment comprendre et il reprit : « Je savais que pour toi, ça serait mieux qu’une bague ».

Alice comprit alors que cette nouvelle gravure représentait le symbole de son petit ami qui lui offrait son cœur, tout comme sa mère l’avait fait en lui offrant ce bijou il y a des années de cela.

Et si elle ressentait un tel mal-être lorsqu’elle ne le portait pas, c’était simplement parce que s’en séparer la délestait de tout cet amour et qu’elle en venait à se sentir très seule.

Elle trouva le cadeau de Fred très original et touchant. Il l’aida à raccrocher le bijou autour de son cou. Elle se sentit tout de suite mieux.
Quelques mois plus tard, Alice et Fred se marièrent dans le parc où des années auparavant, sa mère lui avait offert le fameux collier.
C’était un beau jour et la jeune femme avait l’impression, que même si elle était absente, sa mère était toujours auprès d’elle.

Lorsque plus tard, elle vit les photos de ce grand jour, elle s’aperçut que ce qui ressortait le plus sur les clichés, ce n’était ni elle, ni son mari mais le médaillon d’argent autour de son cou.

Parfois un petit cadeau sans grande valeur de départ, peut devenir au fil d’une vie, l’objet le plus précieux qu’il soit pour la personne qui le reçoit.

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L’homme sous le marronnier

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Elle lui dit au revoir un matin d’hiver, sur le quai d’une gare froide et sale.
Elle lui donna un dernier baiser, il la serra dans ses bras. Puis il courut monter dans son train.
Elle resta un instant sur le quai pour le regarder s’éloigner. Son cœur se serra et une larme coula sur sa joue sans même qu’elle ne s’en rende compte.

À cet instant, elle ne savait pas encore que lorsqu’elle le reverrait tout serait complètement différent.

Elle quitta la gare et rentra chez elle. Elle occupa le reste de la journée à faire du ménage et du rangement dans la maison, afin de ne pas penser au fait qu’elle était à présent seule dans cette grande demeure.

La nuit venue, elle s’endormit seule dans un lit qui lui parut glacé et trop grand.

C’est seulement au petit matin, que la sonnerie de son portable posé sur la table de chevet, la réveilla.

Elle ne comprit pas tout de suite son interlocuteur. Ou du moins, son cerveau faisait mine de ne rien comprendre, peut-être pour se protéger.

Mais même avec la meilleure protection du monde, elle allait souffrir de cet appel matinal.

Effectivement, dès qu’elle raccrocha son téléphone, elle se mit à pleurer. Puis, elle se calma un peu, reprit sa respiration, fixa le cadre photo posé sur l’étagère à l’autre bout de la pièce, se leva, l’attrapa et l’explosa contre le mur.

Elle regarda longuement les débris de verre et la photo à terre. C’était une photo d’Elle et Lui, posant tout sourire devant la maison le jour de leur emménagement, il y a un an.

Soudain, les mots douloureux qu’elle venait d’entendre au téléphone lui revinrent à l’esprit :

« Je suis désolé mais je ne rentrerai pas. Ni dans trois jours, ni jamais. Je crois que c’est mieux ainsi ».

Elle sentit alors sa gorge se nouer à nouveau, mais elle se ressaisit rapidement. Elle empoigna la photo et la serra contre elle tout en fermant les yeux.

Puis, elle sortit précipitamment de la chambre et dévala l’escalier pour descendre à la cuisine, toujours en tenant fermement la photo comme s’il s’agissait du trésor le plus précieux au monde.

Arrivée dans cette grande pièce claire qui sentait le café qui avait déjà coulé dans la cafetière programmable dont il lui avait fait cadeau il y a deux mois, elle ouvrit le tiroir à couverts et en sortit de gros ciseaux de cuisine. C’est alors, qu’elle se mit à découper la photo. Elle découpa seulement le contour de sa silhouette à Lui, de sorte qu’à la fin cela représente simplement une photo de Lui.

Après cela, elle rangea la silhouette photo dans la poche de son pyjama et sortit dans le jardin. Elle alla dans la remise chercher une pelle et creusa un petit trou sous le marronnier près du portail. Là, elle y enterra la photo et rentra boire son café comme si de rien n’était.

Le temps et les jours passèrent ainsi, elle continua de poursuivre la routine de sa vie et ne laissait rien transparaître.

Jusqu’à ce fameux soir où l’on sonna à sa porte.

C’était Lui. Lui, qui passait sans prévenir pour récupérer ses affaires.

Elle resta un moment devant lui à la porte avant de savoir quoi dire ou quoi faire, puis elle le laissa entrer.

Il tenta de parler, mais elle le coupa de suite pour lui demander de se taire et de se dépêcher de rassembler tout ce qui lui appartenait.

Il s’exécuta. Il se sentait tellement coupable !

Pendant qu’il faisait ce qu’il avait à faire, elle s’était rendue dans le jardin et se tenait debout sous le marronnier où il y avait quelques semaines déjà, elle avait enterré la photo de cet homme qui l’avait fait tant souffrir et qui était maintenant là, à quelques mètres d’elle, dans la maison.

Au bout d’un moment, il ressortit avec un gros carton et un sac sous le bras.

Il la vit.

En revanche, ce qu’il ne vit pas de suite, c’était la pelle qu’elle cachait derrière son dos. Et lorsqu’il s’approcha pour au moins, lui dire au revoir, sans qu’il ait le temps de réagir, elle lui asséna un grand coup de pelle sur la tête !

Il tomba à terre inconscient. Il saignait.

Ce qu’il n’avait pas vu non plus, c’était que pendant qu’il rangeait ses affaires, elle avait rouvert le trou où se trouvait déjà sa photo. Mais cette fois-ci, le trou était bien plus grand et bien plus profond. Il pouvait contenir un corps !

Elle le tira alors par les pieds jusqu’à le faire tomber dans ce nouveau trou. Elle y jeta avec lui son carton et son sac d’affaires personnelles. Puis reboucha le trou.

Il était tard dans la nuit lorsqu’elle rentra enfin. Elle était exténuée et pensa à aller se coucher. Mais avant ça, elle avait une dernière chose à faire. Elle prit dans le tiroir dans son bureau, quelque chose qui ressemblait à un album photos, mais il s’agissait juste d’un très beau carnet dans lequel elle collait juste des photos.

Et là, elle y inséra celle qu’elle avait déterré de sous le marronnier, maintenant que Lui s’y trouvait vraiment.

En dessous de celle-ci, elle écrivit soigneusement : « L’homme sous le marronnier ».

Ensuite, elle feuilleta délicatement les pages précédentes du carnet. Sur chacune d’entre elles, l’on pouvait voir des photos de jeunes hommes et sous chacune, une inscription du genre : « L’homme sous le cerisier » ou encore : « L’homme sous le pommier » …

Tous ces pauvres garçons avaient fini de la même manière que l’homme sous le marronnier.

C’est pour cela, qu’il avait justement décidé de s’éloigner d’elle et de la quitter, après être tombé par hasard sur ce carnet sordide.

Il ne lui avait pas donné de raison valable à cette soudaine séparation, mais elle le savait.
Il ne voulait pas finir comme les autres. Les autres, qui sont enterrés sous les arbres des jardins de toutes les maisons dans lesquelles elle avait vécu avant de le rencontrer Lui.

Elle referma son carnet de « trophées » et sourit. En elle-même elle se dit : « Personne n’a le droit de me faire souffrir, il n’a eu que ce qu’il méritait ! »

Une année passa et elle fit la rencontre d’un autre homme.

Ils emménagèrent très vite à sa demande à Elle, dans une nouvelle maison. Celle-ci ne payait pas de mine, mais la jeune femme fut plus enthousiasmée par le jardin et le prunier qui le dominait, plutôt que par le reste.

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Comme des robots

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robot futur fiction

Ce jour-là paraissait un jour semblable aux autres. Tout se déroulait selon la routine familiale habituelle.

À 7h00, la mère réveillait les enfants, pendant que le père préparait le café et les tartines. Puis, la suite s’enchaînait très vite et à 7h30 précises, tout le monde avait claqué la porte de la maison qui retrouvait enfin son calme jusqu’à ce que la fin de journée annonce le retour de chacun.

Aujourd’hui pourtant, à l’inverse des jours précédents, la jolie porte rouge de la maison se ferma bien à 7h30 précises, mais ne se rouvrit pas en fin de journée.

En réalité, toutes les maisons de ce quartier pavillonnaire avaient le matin même laissé leurs habitants partir à leur train de vie quotidien. Cependant, le soir venu, les rues étaient complètement désertes et les maisons toujours totalement vides, comme si personne ne vivait dans le coin.

Personne, sauf Annabelle et Julien.

Annabelle était la fille aînée de la famille qui vivait dans la maison à la jolie porte rouge. À l’époque, elle avait tout juste quinze ans.

Julien, quant à lui, avait dix-sept ans et était le fils des voisins de la famille d’Annabelle, qui eux habitaient une maison avec une jolie porte verte.

Cet étrange soir où toutes vies paraissaient avoir quitté le quartier, les deux adolescents se réveillèrent dans la petite épicerie du coin. En ce temps-là, ils y travaillaient tous les deux après les cours pour se faire de l’argent de poche.

Mais pourquoi s’y réveiller soudainement en pleine nuit et retrouver un quartier désert ? Ils n’eurent malheureusement jamais la réponse et finirent par accepter cette nouvelle vie.

Ils vivaient grâce aux réserves de nourriture dans les magasins et entretenaient les potagers dans chaque jardin laissé à l’abandon.

Ils avaient décidé de vivre ensemble dans la maison d’Annabelle, afin de se tenir compagnie et de ne pas se sentir sombrer dans la solitude.

Les années passèrent, les adolescents devinrent des adultes, puis des vieillards.

Ils moururent tous les deux le même jour, assis dans leur canapé. Ils avaient quatre-vingt-quinze et quatre-vingt-dix-sept ans.

Malheureusement, ils n’avaient pas eu d’enfant. Avec le temps, comme il ne restait plus qu’eux, ils étaient bien sûr, par la force des choses tombés amoureux et avaient tenté de faire des enfants, Annabelle tombait bien enceinte, mais ses grossesses n’allaient jamais au-delà d’un mois.

À chaque dernier jour du premier mois de la grossesse en cours, Annabelle s’endormait et le lendemain, elle se réveillait et n’était plus enceinte.
Comme si le destin voulait que le couple reste éternellement les seuls habitants de ce monde !

Oui, car il faut savoir que bien au-delà du paisible quartier, le reste des villes, des pays et des terres, même les plus éloignés, plus aucune trace du moindre passage d’un être humain n’était visible nulle part !

Le monde s’était comme figé dans le temps, emportant avec lui toute sa population !

Annabelle et Julien étaient restés jusqu’à leur mort les uniques et privilégiés habitants de la planète.

Le jour de leur décès, nous étions au mois de décembre, mais le dérèglement climatique qui s’était installé depuis plusieurs années déjà donnait l’impression d’être en plein mois d’août. Il faisait plus de quarante degrés à l’ombre et tout n’était que sécheresse.

De la maison où restaient les deux corps sans vie, une odeur nauséabonde se dégagea alors très vite dans tout le quartier. Puis, les cadavres suivirent lentement mais sûrement leur processus de décomposition.

De ce fait, bien des années et des années après, il ne restait que des os en souvenir d’Annabelle et Julien.

Les siècles s’écoulèrent. La nature reprit ses droits sur l’homme. Le quartier, et ses maisons aux jolies portes colorées, ressemblait maintenant plus à une forêt qu’à autre chose.

L’air était pur, tout était beau et grand.

nature temps

Puis, un autre matin se leva et nous étions là. Nous, les robots qui peuplons aujourd’hui ce monde, tels les humains à l’époque.

N’ayant réussi à donner la vie et tellement désireux de repeupler la terre, Annabelle et Julien nous ont créés.

De leur vivant, ils n’ont malheureusement jamais réussi à nous activer. Toujours comme si le destin voulait qu’ils finissent seuls. Quelque chose se mettait toujours en travers de leurs divers calculs élaborés et nous ne prenions jamais vie.

C’est alors que nous nous sommes tous réveillés sous un violent orage.

La seule chose que je savais à mon réveil, c’était que je connaissais cet endroit et que je m’appelais… Annabelle.

À côté de moi se tenait Julien, mon compagnon de toujours !

À une époque très lointaine, nous nous souvenions avoir été humains, avoir survécu à la disparition de l’humanité, avoir traversé le temps et avoir tenté de créer des robots. Sans vraiment comprendre pourquoi, nous sommes à nouveau ici et nous sommes, nous aussi des robots parmi tous ceux à qui nous avions essayé d’insuffler la vie.

Nous avons reconstruit un quartier comme celui que nous avions connu. Et maintenant, nous avons retrouvé le bonheur d’avoir des voisins, des amis et même des enfants.
Nous sommes immortels et ce monde est le nôtre.

Nous vivons dans la maison à la jolie porte rouge et une chose est certaine aujourd’hui, c’est que dans cette maison, il n’y a jamais de routine. Jamais l’on ne se lève à la même heure le matin et jamais au grand jamais, nous ne quittons la maison à 7h30 précises.

Nous pensons que c’est la routine qui a fini par tuer l’humanité. Ils vivaient tous comme des robots avant l’heure. Nous avons eu la chance de passer à travers et nous ne prendrons jamais le risque de recommencer.

C’est à nous aujourd’hui de vivre comme des humains.

 

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La petite boîte rose

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C’était l’automne, mais il faisait encore bon pour la saison.

Comme tous les soirs, Elsa fermait sa boutique, elle était libraire dans la toute nouvelle librairie pour enfants de sa petite ville. Puisque cela faisait tout juste quelques semaines qu’elle s’était installée, son magasin n’avait pas encore de nom, mais les gens l’appelaient déjà : « La librairie sans nom ».

Cela faisait sourire la jeune libraire qui se disait que si elle ne trouvait pas vite mieux, alors la nouvelle enseigne de la boutique porterait officiellement ce titre.

Après la fermeture, comme à son habitude, elle rentra chez elle à pied.

Sur le chemin, devant l’ancienne école qui était maintenant à l’abandon depuis des années suite à un grave incendie, une chose étrange attira son regard. Une petite boîte rose était posée là sur le banc juste devant ce lieu où quasiment plus personne ne s’arrêtait jamais à présent.

Allez savoir pourquoi, Elsa, elle, elle aimait emprunter ce passage tous les jours. Il y avait bien sûr plus rapide, et passer par là lui rallongeait le temps pour arriver jusqu’à chez elle d’au moins dix bonnes minutes, mais elle appréciait éviter le brouhaha de la ville et adorait l’atmosphère mystérieuse et presque angoissante que dégageait cet endroit.

Il faut croire que cela valait le coup, puisque ce soir-là, c’est elle qui tomba sur cette fameuse boîte rose posée là comme de rien sur un banc.

Elsa, intriguée, s’arrêta, regarda l’objet et s’assit enfin à ses côtés.

Elle prit la boîte, la déposa sur ses genoux et l’ouvrit. À l’intérieur, elle y trouva juste un petit morceau de papier plié en quatre qu’elle déplia et sur lequel elle vit un dessin d’enfant représentant un bonhomme souriant. En dessous, il était écrit : À demain !

Amusée, elle sourit d’abord et pensa à laisser tout cela sur le banc avant de repartir, se disant que des gamins étaient venus jouer ici et que la boîte ainsi que le dessin leur appartenaient. Cependant, sans trop savoir pourquoi, quelque chose la poussa à replier le dessin dans la boîte, à fourrer celle-ci dans la poche de son manteau et à enfin reprendre sa route.

Arrivée dans son appartement, la jeune femme retira son manteau, le délesta de son contenu, examina à nouveau sa mystérieuse trouvaille, en sortit le dessin qu’elle aimanta sur son frigo, tandis que la petite boîte rose finit comme vide-poche sur le meuble de l’entrée. Elle y jeta machinalement ses clés et décida d’aller prendre une douche.

Cette nuit-là, Elsa dormit d’un sommeil agité et parsemé de rêves étranges.

Le lendemain elle se réveilla embrumée et confuse.

En préparant son café dans la cuisine, son regard se perdit sur le frigo et sur le dessin qu’elle y avait accroché la veille. Des flashs de sa nuit lui revinrent en mémoire.
Elle n’avait cessé de rêver à des bonshommes bizarroïdes et enfantins lui souriant tout en lui hurlant : « À demain ». Pour leur échapper, elle finissait ensuite par courir s’enfermer dans une petite boîte rose identique à celle qu’elle avait laissée dans son entrée.

Tout cela lui fit froid dans le dos, elle s’approcha du frigo, empoigna le dessin, le froissa et le jeta à la poubelle.

Après cela, elle termina de se préparer, enfila son manteau, attrapa ses clés dans son nouveau vide-poche sans même repenser que cette chose l’angoissait autant que le morceau de papier froissé dans la poubelle de sa cuisine et ferma la porte derrière elle.

Elle attendait l’ascenseur perdue dans ses pensées, le nez rivé sur son smartphone. C’est alors que celui-ci s’ouvrit. Quelqu’un lui adressa un aimable : « Bonjour ». Elle y répondit sans vraiment lever les yeux de son écran.

Elle entra dans l’ascenseur, la personne à ses côtés se mit à engager la conversation sur le temps qu’il faisait. C’était madame Bernard, sa voisine du troisième.

Elsa leva alors enfin la tête vers elle, mais eut très vite un mouvement de recul qui la fit se cogner contre la paroi de l’ascenseur. La pauvre jeune femme venait de s’apercevoir avec effroi que madame Bernard, n’était plus vraiment madame Bernard, mais juste la voix de madame Bernard avec le corps et le visage du bonhomme du dessin de la boîte rose !

Elle aurait voulu crier de toutes ses forces pour que l’on vienne la secourir, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

L’épouvantable fausse madame Bernard, remarqua la mine apeurée de sa jeune voisine et tenta de comprendre ce qui lui arrivait, mais plus cette femme-bonhomme lui parlait, plus Elsa paniquait.

L’ascenseur s’arrêta enfin pour s’ouvrir sur le hall de l’immeuble au rez-de-chaussée. Elsa courut aussi vite que possible vers l’extérieur et se retrouva en deux temps trois mouvements dans la rue.

Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression de l’entendre. Elle voulait s’arrêter, reprendre ses esprits, mais elle ne pouvait pas car dans la rue, c’était pire que dans l’ascenseur : absolument tous les passants, les conducteurs dans les voitures, les commerçants… Tous. Absolument tous s’étaient transformés en bonshommes étranges !
Elle continua de courir, courir sans oser regarder autour d’elle ni savoir où elle allait.

Lorsqu’épuisée et à bout de forces, elle fit enfin une pause dans sa course folle, Elsa s’aperçut qu’elle se trouvait devant l’ancienne école abandonnée, près du banc. Sans réfléchir, elle s’y assit et tenta de se calmer un peu.

C’est alors, qu’un de ces bonshommes arriva et s’assit juste à côté d’elle. Tétanisée par la peur, elle se sentait incapable de bouger. Elle fixait son compagnon de banc qui restait silencieux en arborant son sourire malaisant.

Soudain, il leva son bras droit vers le ciel et comme venu de nulle part, il attrapa pourtant un gros feutre noir et un petit bout de carton rose.
Toujours sans rien dire, avec le carton rose, il se mit à confectionner une petite boîte qu’il posa entre la jeune femme et lui sur le banc.
Elsa regarda l’objet et sentit une larme couler sur sa joue. Elle tremblait de peur !

Le bonhomme quant à lui, continuait ses occupations sans se soucier de la terreur de sa pauvre voisine.

Elle remarqua alors qu’il avait encore fait apparaître d’on ne savait où un petit bloc-notes sur lequel il était en train de griffonner avec son feutre noir.

Il dessinait un bonhomme semblable à lui-même. Puis il déchira la feuille de son bloc, la plia en quatre et la rangea dans la boîte rose qu’il avait préalablement confectionnée.

Ensuite, il se leva sans un mot et s’en alla.
Sur le banc, il restait seulement une femme apeurée et une petite boîte rose. Hésitante et tremblante, Elsa, ouvrit la boîte. Déplia le papier sur lequel sans surprise, elle vit un bonhomme. Mais cette fois-ci en dessous, il y avait un petit texte :

« Nous sommes l’âme de cette vieille école. Nous sommes les dessins de tous ces enfants qui n’auront pas eu la chance de grandir. Merci d’être passée par ici en ce jour anniversaire du tragique incendie de l’école. Merci surtout d’avoir ouvert notre boîte rose et de nous avoir redonné vie l’espace d’un instant. »

Elsa versa une larme qui tomba sur la feuille, tout pile sur le sourire du bonhomme.

Et comme par magie, le dessin et le texte s’effacèrent petit à petit. Il ne resta à la fin qu’une simple feuille blanche dans les mains d’Elsa.

La jeune femme la replia, la remit dans la boîte rose qu’elle glissa à nouveau dans la poche de son manteau.

C’était l’automne, mais il faisait encore bon pour la saison.
Comme tous les matins, Elsa était en route pour ouvrir sa boutique.

Sa première cliente de la journée fut une petite fille aux cheveux blonds qui venait acheter un livre avec sa maman. La libraire était soulagée et triste à la fois de constater que tout le monde avait retrouvé une apparence normale.

Alors qu’elles allaient sortir de la librairie avec le livre en mains, Elsa leur demanda de patienter un instant. Elle se rendit dans l’arrière-boutique où elle avait rangé son manteau, prit la petite boîte rose dans la poche de celui-ci. Elle la démonta et la découpa pour en faire un marque-page sur lequel elle dessina un bonhomme.

Elle revint ensuite retrouver sa petite cliente et sa mère. Elle tendit à la fillette le marque-page en lui disant : « Tiens. Cadeau de la maison, prends en soin surtout. Bonne journée ! »

Plus tard, Elsa décida de nommer sa librairie : La petite boîte rose.
Le logo de celle-ci fut tout simplement un bonhomme tel un dessin d’enfants.

 

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